Scolarisation des filles enceintes : L’Église catholique s’oppose au Gouvernement L’Église catholique annonce qu’elle n’appliquera pas cette mesure dans ses établissements alors que le gouvernement congolais tente de garantir un accès équitable à l’éducation à toutes les jeunes filles, y compris celles tombées enceintes. Cette décision relance le débat sur la prise en charge des élèves enceintes et l’égalité des chances dans les écoles congolaises. Le 14 juillet 2025, le ministère de l’Éducation nationale et Nouvelle citoyenneté publiait une circulaire inédite en RDC : les jeunes filles enceintes doivent être autorisées à poursuivre leur scolarité. Cette mesure, présentée comme un pas vers l’éducation inclusive et l’égalité des genres, visait à lutter contre l’exclusion systématique des adolescentes tombées enceintes souvent dans un contexte de précarité ou de violences. Mais dès le lendemain, l’Église catholique, gestionnaire de plus de 18 000 établissements scolaires dans le pays, a opposé un refus catégorique. Dans un courrier officiel signé par son coordonnateur national des écoles conventionnées catholiques, elle annonce que ses établissements ne sont « pas concernés » par cette circulaire, en invoquant leur propre convention avec l’État. Celle-ci, via l’article 15, met l’accent sur la moralité et la discipline en matière de mœurs. « Maintenir en classe une élève enceinte ou devenue mère serait contraire à ces principes », soutient le courrier, qui recommande aux chefs d’établissement de rediriger ces élèves vers des écoles publiques. Pourtant, la loi congolaise n’interdit en rien la scolarisation des filles enceintes. Au contraire, la Constitution garantit un accès égal à l’éducation pour tous, sans distinction. La circulaire ministérielle visait simplement à rappeler ce droit fondamental, aujourd’hui bafoué dans de nombreux cas. « La société traite la fille enceinte comme une coupable, pendant que le garçon, parfois aussi mineur, poursuit sa scolarité sans être inquiété. C’est une injustice criante », dénonce l’avocate Eliane Kikubi, engagée dans la défense des droits des femmes. Elle souligne aussi que nombre de ces jeunes filles sont en réalité des victimes de violences sexuelles, et que les exclure de l’école revient à les condamner doublement. Dans les faits, la grossesse reste l’une des premières causes d’abandon scolaire chez les adolescentes congolaises. Si la loi ne les exclut pas, les pratiques sociales, les préjugés et les règlements internes font peser une forte pression sur les jeunes filles. Moqueries des camarades, rejet de certains enseignants, absence d’accompagnement psychologique ou sanitaire… autant de barrières qui poussent ces élèves à quitter l’école de manière définitive. Donatienne Pesela, militante pour les droits des filles et membre du mouvement Alerte, rappelle que cette circulaire n’est qu’un premier pas : « Il faut aller au-delà du texte. Il est essentiel de préparer les écoles, les enseignants et les élèves à accueillir dignement ces filles, sans stigmatisation. Sinon, la loi restera lettre morte. » La question centrale reste celle-ci : comment garantir un accompagnement réel aux élèves enceintes ou jeunes mères dans le système éducatif ? Aujourd’hui, peu d’établissements sont outillés pour offrir un cadre adapté. Il n’existe pas encore de programme national de soutien psychosocial ou de suivi médical spécifique. Aucune structure d’accueil flexible n’est prévue pour les jeunes mères. Il n’y a pas de politique claire de réintégration une fois l’accouchement passé, et le personnel éducatif est insuffisamment formé à ces enjeux. Sans ces dispositifs, le maintien en classe peut s’avérer illusoire, et les élèves concernées risquent d’abandonner malgré la circulaire. Face au refus de l’Église catholique, le gouvernement devra clarifier sa position : la circulaire est-elle juridiquement contraignante pour les écoles conventionnées ? Peut-il sanctionner les établissements qui refuseraient de s’y conformer ? Faut-il repenser la convention État–Église pour harmoniser les règles ? « Il ne suffit pas de publier un texte. Il faut l’appliquer, le défendre, et surtout, créer les conditions de sa réussite », résume un inspecteur de l’enseignement interrogé sous anonymat. L rentrée de septembre 2025 approche, l’enjeu est clair : s’assurer que toutes les filles, sans distinction, puissent continuer leur parcours scolaire. Car au-delà du débat moral ou religieux, il s’agit bien de l’avenir de milliers d’adolescentes congolaises, souvent livrées à elles-mêmes, et de la crédibilité des politiques publiques en matière d’éducation et d’égalité des genres.
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